Kabila fait joujou avec l’Onu

 

Kabila fait joujou avec l’Onu

Hubert Leclercq

 13 novembre 2016 

Le président congolais ne lâche rien à moins de 40 jours de la fin de son mandat. Tension maximale en RDC.

Encore une journée de rencontres internationales pour rien en République démocratique du Congo. Le géant de l’Afrique centrale se rapproche donc à grands pas de la fin du second et dernier mandat du président Joseph Kabila sans avoir la moindre alternative à une crise majeure.

Cette fin de semaine, une délégation du conseil de sécurité de Nations unies était de passage à Kinshasa. Les envoyés onusiens ont rencontré les principaux acteurs politiques de cette crise alimentée essentiellement – pour ne pas dire uniquement – par la volonté du clan Kabila de se maintenir à la tête de la RDC malgré les prescrits de la Constitution qui limitent à deux le nombre de mandats successifs pour le chef de l’Etat.

Le 19 décembre, selon la Constitution, le président Kabila sera illégitime à la tête de l’Etat. Pour les tenants du pouvoir, un avis de la Cour constitutionnelle balaie d’un revers de la main cette obligation pour le président de céder son siège. Cette cour constitutionnelle ayant jugé que le président pouvait demeurer en fonction jusqu’à l’élection de son successeur, sans donner la moindre échéance pour cette fin de parcours.

La visite du conseil de sécurité de l’Onu s’inscrivait dans ce contexte particulièrement sensible. Bilan : la visite des onusiens à Kinshasa s’apparente à un fiasco complet.

Le président Joseph Kabila s’est même montré particulièrement arrogant à l’égard de ces émissaires. Il s’est ainsi faussement étonné de leur présence à Kinshasa et de leur intérêt pour la situation en République démocratique du Congo, leur reprochant du même coup de ne pas regarder ce qui se passait chez ses voisins. Dans le même ordre d’idée, alors qu’un émissaire britannique l’interrogeait sur sa volonté de respecter la Constitution et de ne pas briguer un troisième mandat inconstitutionnel, le président s’est autorisé à s’interroger sur la possibilité de modifier la Constitution. Il faut se souvenir qu’une tentative de modifier ce texte fondamental avait débouché sur une mobilisation populaire spontanée en janvier 2015. Des manifestations réprimées dans le sang mais qui avaient fait reculer la majorité présidentielle.

Pis, selon les dires de Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication (Ecouter son interview ci-dessous), le président Kabila a rappelé le passé complexe des relations entre le Congo et l’Onu, remontant juqu’à l’exécution de Lumumba, « le premier chef de gouvernement congolais démocratiquement élu qui a été emmené » de Kinshasa à Lubumbashi, malgré la présence de missions onusiennes dans les deux villes. Et Lambert Mende de poursuivre : « Si 56 ans après, on a toujours une situation de crise qui nécessite que les Nations Unies puissent être là, il y a donc un problème. Et le président a souhaité que cette 13e visite, puisque c’est la 13e visite des membres du Conseil de sécurité dans notre pays, soit la dernière ».

Face à cette position du clan Kabila, les opposants qui ont refusé de participer au pseudo-dialogue national qui a abouti à un report des élections présidentielles jusqu’en avril 2018, ont répété qu’ils étaient prêts à négocier avec cette majorité mais sans céder sur les préalables qu’ils avaient établi lors de la création du Rassemblement de l’opposition en juin dernier lors du Conclave de Genval. Des préalables qui prévoient notamment la libération de tous les prisonniers politiques, la fin des poursuites contre les opposants, la réouverture des médias indépendants fermés par le pouvoir (sujet plus que jamais d’actualité depuis la coupure de l’antenne de RFI, la semaine dernière) et, surtout, un calendrier crédible pour la tenue de la présidentielle. 

Cette 13e visite n’a donc pas permis de faire bouger les lignes. A moins de quarante jours de la fin du mandat de Joseph Kabila, ce nouveau couac sonne comme l’échec d’une des dernières opportunités d’éviter une explosion de violence en RDC.

Face à ce scénario du pire, quelques émissaires tentent de forcer la main au Rassemblement de l’opposition pour qu’il accepte coûte que coûte d’entrer dans le dialogue de Kabila en levant leurs préalables. Une exigence répétée auprès des responsables de l’UDPS, le parti d’Etienne Tshisekedi. Mais le vieux leader de l’opposition n’entend pas céder, fort de l’argument massue du respect de la Constitution. Etienne Tshisekedi sait qu’il n’a rien à espérer d’un tel scénario qui ne proposerait aucune solution à long terme pour le peuple congolais. Entrer aujourd’hui au dialogue de Kabila sans que celui-ci ait déposé un calendrier électoral ferme et définitif relève du double suicide.

Le premier suicide face à Joseph Kabila lui-même, qui jugerait ce ralliement de l’opposition comme une victoire totale et le pousserait encore un peu plus sur la voie d’un pouvoir absolu. 

Le second suicide face à la population congolaise largement opposée à la personnalité de Joseph Kabila et qui ne comprendrait pas la volte-face de Tshisekedi.
La Cenco (Conférence épiscopale nationale du Congo) poursuit malgré tout sa tentative de ramener tous les acteurs de la crise congolaise autour de la table des négociations. 

Dans le même temps, la majorité présidentielle devrait désigner son Premier ministre en début de semaine. Un chef de gouvernement qui devrait être issu de l’opposition selon l’accord signé lors de ce fameux dialogue national. Vital Kamerhe, le plus gros poisson de cette petite frange de l’opposition qui a accepté de rallier ce dialogue, faisait figure de principal favori.

Mais Joseph Kabila n’a jamais pardonné sa trahison à un de ses anciens meilleurs amis. Kabila cherche donc un autre Premier ministre et aimerait le dénicher dans l’ouest du pays, région largement oubliée par le pouvoir en place. Las, les meilleurs profils sont dans l’opposition (G7 et Dynamique de l’opposition) et restent sourds aux appels des sirènes kabilistes. Reste le rêve absolu pour le président en fin de bail, parvenir à faire exploser ce front de l’opposition en persuadant Félix Tshisekedi d’entrer dans ce gouvernement. Mais le fils du Sphinx de Limete a répété la semaine dernière que le front de l’opposition était plus uni que jamais et propose la même grille de lecture que son père. « Kabila est en fin de règne. Le 20 décembre, il n’est plus légitime, son gouvernement non plus ».

http://www.dhnet.be/actu/monde/kabila-fait-joujou-avec-l-onu-58279cb7cd70fb896a68edac

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